La Liberté éclairant le monde : Ce détail essentiel aux pieds de la statue que nous oublions toujours
Auteur: Mathieu Gagnon
Mais, et c’est là que ça devient intéressant, on oublie souvent de regarder vers le bas. Vraiment, de jeter un œil attentif à ses pieds. Pourtant, ce qu’on y trouve est un détail crucial, un message qui, je pense, représente mieux que tout l’objectif initial de ce monument incroyable. C’est peut-être un peu oublié aujourd’hui, mais ce n’est certainement pas anodin.
L’ombre de la poésie : quand la statue rencontre l'immigration
Qui n’a jamais entendu ces vers percutants ? « Donnez-moi vos fatigués, vos pauvres, vos masses entassées aspirant à respirer librement… » C’est une image puissante, vraiment, celle de la « Mère des Exilés » qui accueille le « rebut misérable de vos rives grouillantes ». On imagine la lumière du flambeau guidant ces âmes perdues et « ballotées par la tempête » vers la « porte dorée ». Ce poème a tellement marqué les esprits qu’il a presque réécrit l’histoire de la statue, concentrant son sens sur l’accueil des nouveaux arrivants. C’est très beau, certes, mais ça a un peu dilué la raison d’être première.
Le secret sous la robe : des chaînes brisées
Frédéric-Auguste Bartholdi, le sculpteur, avait bien l’intention de rendre ce message plus évident. À la base, il avait envisagé que la Déesse tienne ces chaînes dans ses mains, en plus de la torche. Mais l’idée a été jugée trop… controversée à l’époque, figurez-vous. Il a donc décidé, par compromis, de les placer à ses pieds, où elles sont devenues beaucoup plus discrètes.
Un double message : indépendance et abolition
Bien sûr, il y avait l’indépendance de 1776, un pilier commun entre la France et les États-Unis. Mais il y avait surtout l’abolition de l’esclavage. Pour Laboulaye, le monument devait être une célébration de la liberté sous toutes ses formes, y compris la liberté enfin acquise par les esclaves affranchis, un événement beaucoup plus récent historiquement à l’époque de la conception de la statue.
C’est un message très fort. Il est dommage qu’il ait été mis de côté, relégué aux pieds du monument, n’est-ce pas ?
L’amère ironie de l'époque
Comment pouvait-elle célébrer la fin de la servitude quand tant d’entraves légales et sociales marginalisaient encore une partie de la population ? C’est une question légitime. C’est peut-être cette tension qui a poussé Bartholdi à rendre le symbole moins frontal.
D’ailleurs, il avait également hésité sur la coiffe. Généralement, les représentations de Libertas, la déesse romaine de la liberté, portent un *pileus*, le bonnet que l’on donnait aux esclaves affranchis dans la Rome antique. Bartholdi a préféré le diadème (la couronne), s’éloignant ainsi d’un autre symbole direct de l’affranchissement.
Un rappel de ce qui est essentiel
Le message d’Édouard de Laboulaye était double : célébrer l’indépendance certes, mais surtout l’abolition, le grand pas vers l’égalité humaine. Les chaînes brisées à ses pieds nous rappellent que la véritable liberté implique la fin de toute forme de servitude, et c’est peut-être là le sens le plus puissant et universel de cette statue magnifique. Il faut juste se baisser un peu pour le voir.
Selon la source : iflscience.com