Un système stellaire à quatre étoiles en train de fabriquer une planète : bienvenue dans le chaos cosmique de HD 98800
Auteur: Mathieu Gagnon
HD 98800, la pépinière cosmique

Ce système est jeune, très jeune : environ 10 millions d’années. C’est à peine un bébé à l’échelle du cosmos, ce qui le place dans une phase cruciale de formation, quand les étoiles finissent de se stabiliser et que la matière environnante brille encore d’une lumière infrarouge intense. HD 98800 fait partie de l’association TW Hydrae, un regroupement d’une vingtaine de très jeunes étoiles. Voyons voir ce qui rend cette découverte si particulière et pourquoi elle bouleverse un peu nos modèles de formation planétaire.
Une architecture stellaire d’une complexité déconcertante

Ce qui est vraiment intéressant, c’est que l’une de ces paires serrées, nommée HD 98800B, est entourée d’un disque de poussière. L’autre paire, par contre, n’a rien. Ces deux systèmes binaires sont gravitationnellement liés, mais ils sont séparés par une distance de 50 unités astronomiques (UA). Pour vous donner une idée, 50 UA, c’est approximativement 4,65 milliards de miles. C’est loin, mais pas assez pour ignorer les effets gravitationnels de l’autre couple.
L’énigme du disque de poussière et la spéculation planétaire

Cependant, dans ce cas précis, la présence de la paire d’étoiles « sans disque » à 50 UA complique énormément l’équation. La poussière qui migre vers l’intérieur est soumise à des forces gravitationnelles incroyablement complexes et changeantes. Du coup, même si l’hypothèse d’une planète est séduisante, la Dre Furlan a bien souligné que, pour l’instant, l’existence d’une planète n’est que pure spéculation. Il y a trop d’influences extérieures pour être certain.
Des orbites excentriques qui remuent la poussière

Concernant l’âge des étoiles, elles ne sont plus des « bébés étoiles » (la phase T Tauri), mais elles ne sont pas encore parvenues à la maturité de notre Soleil. Les astronomes appellent ce stade intermédiaire le « post–T Tauri ». Elles se trouvent sur le diagramme de Hertzsprung–Russell juste au-dessus de la « séquence principale », où les étoiles adultes passent la majeure partie de leur vie. Les estimations de masse et de température sont cohérentes, s’alignant sur des âges compris entre sept et douze millions d’années, ce qui confirme leur jeunesse et le fait qu’elles sont encore en contraction.
La vue détaillée de Spitzer : deux ceintures de poussière distinctes
La ceinture extérieure se trouve à environ 5,9 UA du binaire central (environ 549 millions de miles). On suppose qu’elle contient des matériaux plus volumineux, peut-être des astéroïdes et des comètes, agissant comme un véritable « entrepôt » de matériaux solides. L’autre ceinture est beaucoup plus proche, à seulement 1,5 à 2 UA des étoiles. Elle, par contre, est composée de très fines particules de poussière. Cette distinction indique un environnement structuré où les collisions sont fréquentes, réduisant les corps solides en grains très fins près du centre, tandis que les corps plus gros sont conservés plus loin. Le système brille d’ailleurs fortement dans l’infrarouge, ce qui confirme l’abondance de cette poussière chaude.
Une salle de classe cosmique unique

Le fait que deux ceintures de poussière très structurées puissent subsister malgré l’influence gravitationnelle de quatre étoiles montre que même sous des forces extrêmes, le matériau solide nécessaire à la formation des planètes peut persister tant que les étoiles achèvent leur contraction. En retraçant son mouvement (la cinématique), les astronomes ont pu déterminer que HD 98800 a probablement vu le jour dans l’association Scorpius-Centaurus, avant de dériver vers sa position actuelle, renforçant l’idée d’une origine commune avec l’association TW Hydrae. Ce « foyer cosmique » est donc un véritable laboratoire pour comprendre non seulement comment les disques protoplanétaires évoluent sous l’effet de plusieurs étoiles, mais aussi quelles formes prendront les planètes qui naîtront de ces conditions si particulières.