Alors que le gouvernement Legault s’apprête à lancer des consultations délicates sur sa cible de réduction des gaz à effet de serre (GES), l’émissaire climatique du Québec, Jean Lemire, a tenu à marquer le pas. Le message est clair, ferme et dénué d’ambiguïté : la province n’a pas le luxe de reculer. Pour lui, non seulement l’objectif actuel doit être maintenu, mais il réclame aussi une dépolitisation totale du ministère de l’Environnement afin que celui-ci puisse s’appuyer uniquement sur les faits scientifiques.
Un objectif 2030 ancré dans la loi
La tentation de la reculade est bien réelle. Certains évoquent en coulisse le contexte international difficile, notamment l’éventualité d’une présidence américaine climatonégationniste sous Donald Trump. Pourtant, Jean Lemire rappelle l’évidence légale : l’objectif de réduction de 37,5 % d’ici 2030 (par rapport au niveau de 1990) est inscrit dans la Loi sur la qualité de l’environnement. En substance, il est impossible de le revoir à la baisse.
« On ne devrait pas baisser la cible », tranche M. Lemire, en marge des « consultations particulières » qui se profilent. Si une révision est bien prévue par la législation, elle ne peut théoriquement conduire qu’à un renforcement. Le ministre Bernard Drainville a récemment résumé la position officielle en plaidant pour une cible qui serait à la fois « forte, mais atteignable », une formulation qui ouvre la porte à toutes les interprétations politiques.
45 % : la science exige plus
L’écart entre les ambitions politiques et l’impératif scientifique reste cependant le cœur du débat. Le Comité consultatif sur les changements climatiques, l’organe chargé de conseiller le gouvernement, a récemment rendu un avis sans équivoque : pour réellement suivre la trajectoire nécessaire, le Québec devrait viser une réduction non pas de 37,5 %, mais de 45 % des GES d’ici 2030.
L’émissaire, qui a représenté la province lors de la COP30 au Brésil, admet la complexité de la situation. « Si on suivait strictement la science, il faudrait augmenter la cible à 45 %. Mais compte tenu du contexte, on peut décider de maintenir la cible actuelle, mais il faudra alors mettre les bouchées doubles, » insiste-t-il, soulignant l’urgence d’une accélération des efforts concrets.
Le rêve d’un ministère « non partisan »
Pour garantir la pérennité de cette démarche, M. Lemire va plus loin et plaide pour une réforme structurelle profonde. Selon lui, la politique climatique, qui incombe principalement au ministère de l’Environnement, devrait être complètement détachée des cycles électoraux et des programmes partisans. Le but : maintenir un cap stable, peu importe le gouvernement en place.
« Ce dont je rêve, c’est que le ministère de l’Environnement soit non partisan, peu importe qui est au pouvoir. Je sais que ça n’arrivera pas, mais ce serait mon rêve, » avoue l’émissaire. Un tel détachement permettrait aux décisions de reposer exclusivement sur les analyses des experts, loin des pressions électoralistes du moment.
Faire face à la « fatigue » citoyenne par la nature
Au-delà des chiffres et des querelles ministérielles, Jean Lemire pointe également un échec dans la communication. Il observe une forme de « fatigue » dans la population face aux injonctions permanentes de lutte contre le réchauffement. Pour lui, il est crucial de revoir l’angle d’approche et de mieux communiquer l’urgence, y compris en tendant la main à la société civile pour trouver des relais.
Une avenue prometteuse réside dans les solutions basées sur la nature. « On devrait miser sur la nature. C’est plus facile de convaincre les gens, parce qu’on aime tous la nature, » explique-t-il. En reconnectant le public avec la protection des espaces naturels, on génère un réflexe de préservation plus puissant que la seule lutte abstraite contre les changements climatiques.
Critique acerbe envers ottawa
Dans ce tableau de l’ambition québécoise, l’émissaire ne manque pas de critiquer les incohérences observées au palier fédéral. Il s’inquiète particulièrement du manque de « crédibilité » du Canada, qui, malgré ses engagements, continue d’appuyer des mégaprojets gaziers et pétroliers destinés à être exploités pendant des décennies. Ces décisions contredisent frontalement l’urgence de s’affranchir des énergies fossiles.
Jean Lemire se dit « déçu » et est resté « sur sa faim » après ses échanges avec la ministre fédérale de l’Environnement, Julie Dabrusin, lors de la COP30. S’il concède que le contexte politique canadien est complexe, cela ne justifie en rien l’immobilisme ou l’annulation de programmes environnementaux déjà en place, déplore-t-il.
Un débat sans partisanerie
En réitérant que la cible 2030 est un plancher et non un plafond, Jean Lemire impose une pression morale sur le gouvernement Legault à l’aube des consultations. Son plaidoyer pour un environnement ministériel apaisé, libre de toute partisanerie, résonne comme un appel à la responsabilité collective. Il s’agit maintenant de savoir si Québec écoutera la voix de ses experts et de son émissaire, ou si les vents politiques, même venus du sud, auront raison de la Loi.
Selon la source : ledevoir.com
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