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Découverte rare au Guatemala : un jeu de patolli en mosaïque unique exhumé dans une cité maya
Crédit: Vue du panneau patolli dans la structure 6L-19. Crédit : Julien Hiquet, Projet archéologique de Naachtun Petén Norte

Une trouvaille inattendue à Naachtun

credit : lanature.ca (image IA)

C’est le genre de découverte qui, je pense, fait vibrer n’importe quel passionné d’histoire, vous ne trouvez pas ? Dans une étude récemment publiée dans la revue Latin American Antiquity, les docteurs Julien Hiquet et Rémi Méreuze se sont penchés sur les vestiges fascinants d’un plateau de jeu de patolli. Ce n’est pas n’importe quel plateau : il a été réalisé dans un style mosaïque tout à fait unique et découvert dans la cité de Naachtun, au Guatemala, une ville datant de la Période Classique. Pour situer un peu le contexte, cette recherche minutieuse a été menée en partenariat avec de grands noms comme le CNRS, la Commission des Fouilles du Ministère de l’Europe et des Affaires Étrangères, ainsi que le CEMCA.

Parlons un peu de Naachtun. Ce site, situé dans le nord du Petén au Guatemala, était autrefois une capitale régionale majeure. Ce qui est dingue, c’est que bien que des scientifiques aient signalé son existence dès les années 1920 et qu’il ait été cartographié dans les années 1930, il a fallu attendre 2004 pour que les fouilles ne commencent vraiment. Depuis 2010, des fouilles annuelles y sont menées, dévoilant peu à peu ses secrets. C’est finalement lors des fouilles de 2023, en explorant les structures du complexe du Groupe 6L13, que ce fameux plateau a été mis au jour. Il était là, incrusté comme une mosaïque dans le sol de la structure 6L-19. Une partie était même recouverte par un mur fin… Curieux, non ? L’analyse a confirmé qu’il s’agissait bien d’un patolli.

Le patolli : entre haricots rouges et mosaïques de céramique

Le patolli est composé de minuscules tesselles – tessons de poterie rouge et orange – disposées en rectangle autour d’un axe central. Crédit : Julien Hiquet, Projet archéologique de Naachtun Petén Norte

Mais au fond, c’est quoi le patolli ? On en a des descriptions dans divers récits ethnographiques et il apparaît même dans certains codex postclassiques. Le jeu se compose d’une série de rectangles disposés sur un plateau en forme de croix. Selon le Dr Hiquet, les chroniques ethnohistoriques écrites par les Espagnols au début de la période coloniale nous donnent de précieux indices. Par exemple, chez les Mexicas du centre du Mexique, on jouait avec des cailloux colorés — bleus et rouges — qui servaient de pions (ou « piedras », selon Diego Durán dans son Libro de dioses y ritos de 1574–1576). Quant aux dés, ils étaient fabriqués à partir de haricots marqués d’un point sur un côté.

D’ailleurs, ces haricots « patol » ont carrément donné son nom au jeu. Dans le cas précis du plateau décrit dans cette publication, aucun artefact pouvant être considéré comme un pion n’a été trouvé à proximité immédiate, ce qui laisse planer une petite part de mystère. Ce plateau de Naachtun est constitué de petites tesselles rouges (des tuiles pour mosaïque), probablement récupérées de vases en céramique brisés. Une partie du plateau ayant été détruite, les chercheurs ont dû estimer ses dimensions d’origine. On pense qu’il faisait environ 78 cm de large pour 110 cm de long, comprenant 45 carrés et fabriqué avec environ 478 tesselles. C’est un travail de précision incroyable pour l’époque.

Un artefact unique et des hypothèses surprenantes

credit : lanature.ca (image IA)

Ce plateau est véritablement unique. C’est, à ce jour, le seul exemple connu de plateau de patolli réalisé selon une technique de mosaïque. Le Dr Hiquet explique d’ailleurs : « Ce plateau en mosaïque semble exceptionnel. Des dizaines de plateaux de patolli ont été trouvés dans toute la zone maya, mais tous sont graffités ou peints plutôt que faits en mosaïque. » Sa création singulière, liée à la construction du bâtiment, a aussi permis aux chercheurs de fournir une date approximative, ce qui est souvent un casse-tête pour les plateaux simplement gravés. On estime qu’il a été fabriqué durant la période du Classique Ancien, ce qui en fait l’un des plus anciens exemples connus dans le corpus maya.

Pourtant, malgré tout le mal qu’ils se sont donné pour le fabriquer, les bâtisseurs l’ont partiellement recouvert d’un mur fin. Pourquoi ? Le Dr Hiquet avance deux hypothèses. La première : le plateau n’aurait servi que pendant l’intervalle entre la construction du sol et celle de la pièce au-dessus, peut-être par les ouvriers eux-mêmes pendant leur temps libre. Mais alors, pourquoi utiliser une technique si élaborée au lieu de simplement gratter le sol avec un bâton ou une pierre ? Hiquet suppose qu’il a pu être fait pour les travailleurs dans un contexte social précis, peut-être lors d’un « banquet de construction » offert par de riches mécènes. Dans ces sociétés préindustrielles, on mobilisait parfois la main-d’œuvre via une « mobilisation festive », compensant le travail par des repas élaborés et des divertissements plutôt que par de l’argent.

La seconde hypothèse, encore plus spéculative, suggère que les structures 6L-19 et 6L-20 auraient pu imiter un terrain de jeu de balle, bien qu’aucune preuve formelle n’ait été trouvée. En Mésoamérique ancienne, il existait une équivalence symbolique entre le patolli et le jeu de balle. Dans les codex, ils sont souvent représentés ensemble, sous le patronage des mêmes dieux. Certains chercheurs proposent même que le plateau de patolli puisse être vu comme un terrain de jeu de balle miniature.

Conclusion : En attente de nouvelles réponses

credit : lanature.ca (image IA)

Au final, cette découverte soulève presque autant de questions qu’elle n’apporte de réponses, comme c’est souvent le cas en archéologie, n’est-ce pas ? L’utilisation de matériaux recyclés pour créer une œuvre aussi soignée, pour ensuite la recouvrir partiellement, témoigne de la complexité des rituels et de la vie sociale des Mayas de l’époque Classique.

D’autres fouilles à Naachtun seront nécessaires pour, espérons-le, clarifier la fonction première de ce plateau et savoir à qui il était réellement destiné. C’est une fenêtre ouverte sur le quotidien, les loisirs et peut-être les rites de construction d’une civilisation qui a encore tant à nous apprendre.

Selon la source : phys.org

Ce contenu a été créé avec l’aide de l’IA.

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