Un homme mordu 200 fois par des serpents, il devient l’espoir d’un antidote universel
Auteur: Simon Kabbaj
Tim Friede n’est pas un scientifique de formation, ni un héros de bande dessinée, mais son histoire dépasse la fiction. Volontairement mordu plus de 200 fois par des serpents venimeux, il est aujourd’hui au cœur d’une avancée médicale qui pourrait sauver des millions de vies : la création d’un super antivenin universel. Grâce à ses anticorps uniques, des chercheurs ont mis au point un traitement révolutionnaire, testé avec succès sur les venins des serpents les plus dangereux de la planète.
Pourquoi les antivenins traditionnels ne suffisent plus ?

Depuis des décennies, les antivenins sont fabriqués à partir d’anticorps prélevés sur des animaux, généralement des chevaux. Bien qu’ils soient efficaces, ces traitements posent plusieurs problèmes. Chaque venin est unique, et un antidote efficace contre un serpent ne protège pas forcément contre un autre. De plus, le mélange d’anticorps pour élargir la couverture du traitement peut entraîner des réactions immunitaires sévères chez les patients.
Le pari fou d’un passionné

Tim Friede, passionné de serpents, a choisi un chemin dangereux pour contribuer à la science : il s’est laissé mordre volontairement. Ce geste, loin d’être une simple provocation, visait à renforcer son système immunitaire. Après avoir frôlé la mort à ses débuts — une morsure l’a plongé dans le coma — il a persévéré pendant 20 ans, jusqu’à devenir hyper-immunisé. Il a même injecté plus de 700 doses de venin dans son propre corps. En 2017, il décide de collaborer avec des chercheurs pour mettre son organisme exceptionnel au service de la recherche.
Une collaboration scientifique prometteuse

Le docteur Jacob Glanville, fondateur de Centivax, saisit immédiatement l’opportunité. Avec son équipe, il isole deux anticorps très puissants issus du sang de Friede. En laboratoire, ils les synthétisent et les associent à une molécule expérimentale appelée varespladib, déjà reconnue pour ses effets contre les toxines. Le résultat : un cocktail à trois agents, conçu pour neutraliser les venins de multiples serpents.
Des résultats spectaculaires chez les souris

Lors des tests, les souris exposées aux venins de 19 espèces différentes ont reçu ce nouvel antivenin. Résultat ? Une survie totale face aux morsures de 13 serpents, dont le cobra royal et le redoutable mamba noir, et une protection partielle contre les 6 autres. Tous ces reptiles figurent parmi les plus dangereux au monde, selon l’Organisation mondiale de la santé. Ce succès, sans précédent, offre un espoir immense, notamment pour les zones rurales pauvres où les traitements sont rares ou mal adaptés.
Vers un antidote universel ?

Encouragée par ces résultats, l’équipe de Centivax veut aller plus loin. Prochaine étape : tester ce traitement sur des chiens mordus par des serpents en Australie. L’objectif à long terme est ambitieux : créer un “méga-cocktail” capable de neutraliser les venins de toutes les familles de serpents venimeux, y compris les vipères. Si ce rêve devient réalité, les 2 à 4 millions de personnes mordues chaque année dans le monde pourraient bénéficier d’un traitement efficace et sans danger.
Conclusion – Le courage au service de la vie

L’histoire de Tim Friede montre que le courage individuel peut transformer la science. Grâce à lui, la médecine s’approche d’un antidote universel, qui pourrait sauver jusqu’à 100 000 vies chaque année. Ce passionné, jadis considéré comme imprudent, est aujourd’hui directeur de l’herpétologie chez Centivax, preuve que l’audace peut mener à de grandes découvertes. La science a trouvé un héros inattendu… au venin dans les veines.
Source : bbc