Victoire écologique : Le plus grand projet de démantèlement de barrage au monde provoque le retour du saumon, après des années de lutte
Auteur: Simon Kabbaj
À la fin de l’année 2024, quatre barrages colossaux ont été supprimés sur la rivière Klamath, marquant le plus grand projet de démantèlement de barrages jamais entrepris aux États-Unis – voire dans le monde. Située entre l’Oregon et la Californie, la rivière Klamath peut désormais retrouver son cours naturel, offrant à nouveau un chemin libre aux poissons migrateurs. Ce projet monumental est présenté dans la nouvelle saison de la série “Our Changing Planet” de la BBC, où la journaliste Liz Bonnin témoigne de l’ampleur du chantier et de ses effets.
Une rivière sacrée pour les peuples autochtones

La rivière Klamath n’est pas seulement un cours d’eau de 414 km. Elle est une source de vie pour les tribus autochtones Yurok et Karuk, qui s’y nourrissaient depuis des générations grâce aux populations abondantes de saumons Chinook, de saumons coho et de truites arc-en-ciel. Ces poissons constituaient la base de leur alimentation et de leur culture. Mais à partir de 1903, les choses ont changé avec la construction de barrages hydroélectriques, notamment Copco No. 1 (1918), Copco No. 2 (1925), J.C. Boyle (1958) et Iron Gate (1964).
Des barrages aux conséquences dramatiques

Ces barrages avaient un but clair : produire de l’électricité pour alimenter les foyers locaux. Mais ils ont bloqué la montée des saumons vers leurs zones de reproduction, provoquant une chute dramatique des populations. En 1997, le saumon coho a été inscrit parmi les espèces menacées aux États-Unis. Les chiffres sont alarmants : le saumon Chinook a chuté de 90 % pour la population d’automne et de 98 % pour celle de printemps. Et en 2002, une canicule et un débit d’eau trop faible ont provoqué une épidémie bactérienne tuant entre 34 000 et 70 000 poissons.
Une crise vécue comme une fin du monde

Pour les habitants de la région, cette catastrophe fut un véritable traumatisme. Brook Thompson, membre des tribus Yurok et Karuk, se souvient :
« J’avais 7 ans. Les saumons faisaient presque ma taille. J’ai vu des milliers de corps entassés sur la rive, j’ai senti leur chair pourrissante. C’était apocalyptique. »
La rivière Klamath, autrefois la troisième plus grande productrice de saumon de la côte Ouest, était devenue méconnaissable. Mais les tribus n’ont jamais abandonné : depuis les années 1990, elles ont mené un long combat pour obtenir la suppression des barrages.
Une lutte victorieuse pour la vie

En 2022, le feu vert est donné pour démonter les quatre barrages. Le 5 octobre 2024, le chantier est officiellement terminé. Mais ce n’est que la première étape. Il faut maintenant restaurer l’habitat naturel : semer des plantes à la main et par hélicoptère, stabiliser les berges, revégétaliser les abords. Pour Liz Bonnin, le spectacle de cette collaboration entre les scientifiques, les tribus et les équipes du Klamath Renewal Project était bouleversant :
« C’était magique de voir tout le monde travailler avec passion et respect pour ressusciter l’écosystème. »
Le miracle du retour des saumons

À peine dix jours après la fin du chantier, les saumons sont revenus. Les chercheurs ont observé des saumons Chinook dans les bras de rivière bloqués depuis 1961. Pour les tribus, c’était un moment sacré. Roberta Frost, secrétaire des Klamath Tribes, a déclaré :
« Les saumons sont comme notre peuple. Ils savent où est leur maison. Et dès qu’ils ont pu, ils sont revenus. »
Le président tribal Yurok, Joseph L. James, a résumé l’esprit du projet :
« C’est notre devoir sacré de restaurer l’équilibre du monde. »
Conclusion : une renaissance guidée par la persévérance

Le projet de démantèlement des barrages de la Klamath est bien plus qu’un chantier technique : c’est une renaissance spirituelle, écologique et culturelle. Il prouve qu’en écoutant les peuples autochtones, en réparant les erreurs du passé, et en laissant la nature reprendre ses droits, la vie revient toujours. Le saumon, symbole de résistance, nous rappelle que rien n’est jamais définitivement perdu.
Source : bbc.co.uk