Pourquoi le trou le plus profond du monde, le forage de Kola, a-t-il dû être détruit ?
Auteur: Simon Kabbaj
Perdu dans la toundra glaciale de la Russie, un simple couvercle métallique rouillé attire peu l’attention. Pourtant, sous ce capot scellé se cache l’un des exploits scientifiques les plus fous de l’humanité : le forage super profond de Kola. Ce projet soviétique, entamé durant la guerre froide, visait à pénétrer les entrailles de la Terre comme jamais auparavant. Pendant plus de deux décennies, des équipes de scientifiques ont creusé un abîme inimaginable. Mais ce trou record, désormais condamné, a finalement dû être abandonné, puis détruit. Pourquoi ? Les raisons sont aussi inattendues qu’inquiétantes.
Un trou plus profond que l’océan

Le forage SG-3, principal puits du projet Kola, a atteint une profondeur vertigineuse de 12 263 mètres — soit plus que la fosse des Mariannes dans l’océan Pacifique. À cette échelle, c’est comme empiler l’Everest sur le mont Fuji et encore enfoncer un peu plus bas. Pourtant, le diamètre du trou n’excédait pas celui d’une assiette. Ce contraste entre profondeur et étroitesse en faisait un monument scientifique unique, défiant les lois de l’ingénierie de l’époque.
Une guerre froide... jusqu'au centre de la Terre

Dans les années 1960, les États-Unis et l’Union soviétique se lançaient dans une compétition scientifique sans précédent, cherchant à atteindre les profondeurs terrestres avant l’autre. Le projet américain “Mohole” s’est soldé par un échec. En revanche, les Soviétiques ont persévéré, entamant le forage de Kola en 1970. Le trou est devenu un symbole de la puissance soviétique, alimentant les ambitions de Moscou de dominer aussi la science du sous-sol.
Des découvertes renversantes

Le forage a permis des découvertes scientifiques majeures : les roches analysées contenaient de l’eau à des profondeurs considérées comme imperméables, un fait jusque-là jugé impossible. On y a également identifié 14 espèces fossilisées de micro-organismes, des traces de métaux précieux comme le cuivre, le nickel et même l’or. Près de 1,4 milliard d’années d’histoire géologique ont été traversées, révélant des couches de la Terre jamais vues.
Une légende née des profondeurs

Comme tout projet extrême, celui-ci n’a pas échappé aux fantasmes. Une rumeur tenace a affirmé que le forage avait percé un puits de l’enfer, où des microphones auraient capté des cris humains venus des entrailles de la Terre. Bien qu’entièrement fausse, cette légende a valu au site le surnom de « porte de l’enfer », renforçant le mystère autour du projet. Une atmosphère digne d’un film d’horreur, qui fascine encore aujourd’hui.
Et soudain, tout s’est arrêté

Ce n’est ni un démon ni un secret d’État qui a mis fin au forage. C’est la chaleur. À plus de 180°C, les températures au fond du trou ont dépassé toutes les prévisions, rendant impossible l’utilisation des instruments. Après la chute de l’URSS et face à des manques de financement, le projet fut abandonné en 1992. En 2008, la Russie annonce sa destruction officielle. Certains disent que le trou aurait été coulé dans le béton. Aujourd’hui, il ne reste que des ruines et un couvercle vissé sur l’oubli.
Conclusion – Un trou, mille mystères

Le forage super profond de Kola est un monument oublié de la science et de la rivalité humaine. En perçant si profondément, les scientifiques ont repoussé les limites de la connaissance, mais aussi touché les frontières du possible. Trop chaud, trop coûteux, trop risqué, ce trou fut condamné à disparaître, emportant avec lui des rêves de conquête géologique. Aujourd’hui, la Chine prend le relais, mais le mystère de Kola, lui, reste entier…