Thaïlande : un plat traditionnel cause un cancer du foie mortel et tue 20 000 personnes par an
Auteur: Simon Kabbaj
En Thaïlande, un plat traditionnel continue de séduire des millions de personnes, malgré un danger invisible mais bien réel. Selon les médecins, sa consommation serait liée à une maladie cancéreuse grave et souvent fatale. Chaque année, environ 20 000 personnes en meurent, dans l’indifférence quasi générale. Un chirurgien du foie tire la sonnette d’alarme depuis des années, mais ses avertissements sont accueillis avec résignation, voire dérision. Alors, pourquoi ce plat continue-t-il à faire autant de victimes sans que personne ne réagisse ? Et surtout… de quoi s’agit-il exactement ?
Une maladie mortelle qui frappe en silence

La maladie en question s’appelle le cholangiocarcinome, un cancer agressif des voies biliaires. Il est souvent surnommé le « tueur silencieux », car il ne provoque presque aucun symptôme au début. Lorsqu’il est enfin détecté, il est souvent trop tard pour le soigner sans chirurgie lourde. Les signes, quand ils apparaissent, peuvent inclure la jaunisse, une perte de poids importante, des douleurs abdominales, des démangeaisons ou encore une grande fatigue. Ce cancer est l’un des plus mortels, et la région du nord-est de la Thaïlande enregistre le taux le plus élevé au monde.
Un médecin en lutte contre l’indifférence

Le docteur Narong Khuntikeo, chirurgien du foie, mène une bataille depuis des années pour alerter les habitants de la région d’Isaan. Son combat est aussi profondément personnel : ses deux parents sont morts de ce cancer, après des années de consommation du plat en question. Cette tragédie l’a poussé à dédier sa carrière à sauver des vies, en sensibilisant les populations rurales aux dangers alimentaires. Mais malgré ses efforts, il explique que ses mises en garde sont souvent ignorées.
Des tests alarmants dans les villages

Pendant quatre ans, le Dr Khuntikeo et une équipe de scientifiques ont mené une vaste campagne de dépistage dans les villages de la région d’Isaan. Grâce à des échographies et des tests urinaires, ils ont découvert que jusqu’à 80 % des habitants de certaines communautés portaient un parasite dangereux dans leur organisme, souvent sans le savoir. Ce chiffre terrifiant montre l’ampleur du problème sanitaire, et pourtant, très peu de gens changent leurs habitudes.
Un fatalisme culturel difficile à briser

Le médecin raconte que la plupart des personnes âgées rejettent ses conseils avec une phrase désarmante : « Il y a mille façons de mourir. » Ce fatalisme culturel est un obstacle majeur. Même lorsqu’on leur explique les liens directs entre leur alimentation et le cancer du foie, beaucoup refusent de modifier leurs recettes traditionnelles. Les plus jeunes, eux, commencent à être sensibilisés, grâce à des programmes éducatifs mis en place dans les écoles pour expliquer les dangers des aliments crus.
Le plat responsable

Mais alors, quel est ce plat qui cause autant de souffrances ? Il s’agit d’un mets appelé koi pla, très apprécié dans le nord-est de la Thaïlande. Il est composé de poisson d’eau douce cru, haché avec des herbes, du jus de citron vert, des épices, et parfois même des fourmis rouges vivantes. Le danger ne vient pas des insectes, mais du poisson cru. Celui-ci, pêché dans le fleuve Mékong, est souvent infesté de douves hépatiques, des parasites microscopiques. Une fois ingérés, ces vers s’installent dans le foie et peuvent, avec le temps, provoquer le cholangiocarcinome. Malgré cela, beaucoup de Thaïlandais refusent de cuire le plat, arguant que cela en détruirait le goût.
Conclusion – Entre tradition et santé, une décision urgente

Le cas du koi pla met en lumière un dilemme douloureux entre culture et prévention. Si ce plat reste un symbole d’identité culinaire pour de nombreux Thaïlandais, son impact sur la santé publique est dramatique. Le docteur Khuntikeo continue de se battre pour sauver des vies en informant, en testant, et en éduquant, tout en respectant les traditions. Le véritable défi sera d’inspirer une nouvelle génération à faire des choix éclairés, sans renier leur héritage.
Source : theguardian