La dernière chose qu’un vaisseau spatial de la NASA a vue avant de plonger dans Saturne
Auteur: Simon Kabbaj
Voir Saturne de près… c’était impensable il y a un siècle. Les premières images prises par Pioneer 11 en 1979, puis Voyager 1 et 2 dans les années suivantes, n’étaient que des survols rapides. Pioneer, d’ailleurs, a frôlé la catastrophe en manquant de peu une lune inconnue. Mais c’est en 1997 que la NASA franchit un cap audacieux : elle envoie Cassini-Huygens, un vaisseau conçu pour tourner autour de Saturne pendant des années. Il faut dire qu’il a eu le temps de s’échauffer : un détour par Vénus, la Terre et Jupiter avant d’arriver enfin à destination, le 1er juillet 2004. Pour survivre à ce périple extrême, il devait supporter des températures allant de +130 °C à –210 °C.
Cassini entre en scène : sept années d’émerveillement

Une fois sur place, Cassini n’a pas chômé. Pendant sept ans, il a réalisé des survols rapprochés des lunes, observé les saisons changeantes de Saturne et surtout, étudié Titan, la plus grande lune. En 2005, la sonde Huygens, conçue par l’Agence spatiale européenne, a même atterri sur Titan, traversant son atmosphère trouble. Ce qu’elle a découvert a bouleversé les chercheurs : lacs, rivières, dunes, montagnes, nuages, et peut-être même des volcans… mais faits de méthane liquide. Certains pensent que Titan ressemble à la Terre avant l’apparition de la vie.
L’exploration se prolonge bien au-delà du prévu

Cassini devait s’arrêter en 2008. Pourtant, elle avait encore du carburant, alors la mission continue. Elle cartographie le champ magnétique de Saturne, étudie la structure complexe des anneaux et continue à explorer ses lunes étranges. En 2010, nouvelle rallonge : la NASA lance la « Solstice Mission », visant à observer les changements à long terme sur Saturne et ses lunes, jusqu’au solstice d’hiver de l’hémisphère nord. On repousse les limites de ce qu’on croyait possible. Mais on savait qu’il faudrait bien un jour écrire le dernier chapitre.
La fin grandiose : le Grand Final

Ce dernier chapitre, justement, la NASA l’a baptisé “The Grand Finale”. Cassini s’est engagée dans 22 plongées audacieuses entre les anneaux intérieurs et le sommet des nuages. Elle a flirté avec la limite de l’atmosphère, frôlé les bords intérieurs des anneaux. Chaque passage était risqué, imprévisible. Mais à ce stade, il n’y avait plus rien à perdre. C’était une fin choisie, orchestrée. Un adieu en beauté.
Un sacrifice pour l’avenir

Pourquoi ne pas laisser Cassini errer dans l’espace ? Parce qu’elle risquait de contaminer des mondes vierges, notamment Encelade, recouverte de glace et contenant un océan liquide, ou Titan, avec ses molécules prébiotiques. Alors, en épuisant jusqu’à sa dernière goutte de carburant, la NASA a fait plonger la sonde dans l’atmosphère de Saturne, en toute conscience. Le 15 septembre 2017, après 293 orbites, Cassini a transmis ses derniers signaux. Probablement, elle s’est désintégrée une minute après l’entrée, déchirée par la densité de l’atmosphère.
Une dernière image avant l’oubli

Avant le saut final, Cassini a envoyé un dernier lot de clichés déchirants : les anneaux majestueux, une image floue de Titan, et Encelade glissant derrière Saturne. Et puis, un ultime regard… un cliché monochrome du côté nuit de Saturne, éclairé par la lumière réfléchie de ses anneaux. Sur cette image figée, un point invisible : l’endroit précis où Cassini allait disparaître. Ce cliché, c’est plus qu’une photo. C’est une fin. Une sorte de regard en arrière… juste avant le saut.
Une mission qui continue à parler

Même après sa mort, Cassini n’a pas cessé d’enseigner. Ses dernières plongées ont permis d’en savoir plus sur les champs magnétiques de Saturne, la gravité, la masse des anneaux, et tant d’autres détails encore à analyser. Ce qu’elle a transmis… c’est une bibliothèque entière pour les générations futures. Et quelque part là-haut, entre les vents glacés et les anneaux de poussière, le souvenir de Cassini plane toujours.
Selon la source : science.nasa.gov