Alcatraz des alligators : un centre pour migrants qui inquiète bien au-delà des reptiles
Auteur: Adam David
On l’appelle ‘l’Alcatraz des alligators’. Un nouveau centre pour accueillir les migrants a ouvert ses portes en Floride, dans la région des Everglades, et son nom fait un peu peur. Pourtant, les experts nous alertent : le plus grand danger pour les personnes qui y sont détenues ne vient pas des alligators ou des serpents, comme l’a suggéré avec une pointe d’ironie le président Donald Trump.
Non, les vraies menaces sont bien plus terre-à-terre : les ouragans, les inondations et surtout, les moustiques. La première vague de migrants est déjà sur place, et les inquiétudes sont nombreuses.
Une construction rapide et très coûteuse

Imaginez un peu : ce camp a été construit en seulement huit jours. Il est composé de grandes tentes, de lits superposés et de grillages qui forment des sortes de cages. Tout cela pour accueillir environ 3 000 personnes. Le problème, c’est que l’endroit a déjà été inondé une fois… Et malgré son apparence très simple, son fonctionnement coûtera une somme astronomique : 450 millions de dollars par an, d’après la secrétaire à la Sécurité intérieure, Kristi Noem.
Les autorités de Floride, elles, se disent fières d’aider le président Trump à appliquer sa politique migratoire, comme elles l’ont fièrement annoncé sur les réseaux sociaux.
Un lieu volontairement difficile d'accès

Pour certains politiciens, le fait que cet endroit soit perdu au milieu de nulle part est une bonne chose. « Si les gens s’échappent, il n’y a pas grand-chose qui les attend à part les alligators et les pythons », a déclaré le procureur général de Floride, James Uthmeier. Le message est clair : « Nulle part où aller, nulle part où se cacher. »
Mais pour les défenseurs des droits humains, c’est justement ça, le problème. Renata Bozzetto, de la Florida Immigrant Coalition, l’a bien résumé : « Les migrants sont dans un lieu très difficile d’accès pour les avocats, les familles, ou même pour les gens qui doivent surveiller ce qu’il s’y passe. » L’isolement est donc un énorme souci.
Face aux colères de la nature

Le centre est situé dans une zone à très haut risque d’ouragans. Normalement, dans cette région, les bâtiments doivent être conçus pour résister à des vents très violents. Le directeur des urgences de Floride a affirmé que les tentes pouvaient supporter des vents de 177 km/h. Ça peut paraître beaucoup, mais il faut savoir une chose : l’an dernier, l’ouragan Milton a frappé avec des vents allant jusqu’à 290 km/h. On peut légitimement se demander ce qu’il adviendrait des tentes et de leurs occupants dans une telle tempête. Ce serait une catastrophe annoncée.
L'autre fléau : les moustiques

En Floride, tout le monde sait que les moustiques sont un véritable cauchemar. C’est tellement vrai que même les journalistes envoyés sur place ont du mal à faire leur travail. L’un d’eux expliquait devoir porter un sweat à capuche et un imperméable juste pour se protéger des piqûres. Avec la pluie et les flaques d’eau, c’est le paradis des moustiques.
Et ce n’est pas juste désagréable, c’est dangereux. Un professeur de l’Université de Yale a prévenu que le risque de maladies transmises par les moustiques est très élevé. Ils peuvent transmettre des maladies graves comme l’encéphalite, une infection qui attaque le cerveau et peut être mortelle. Une élue locale a raconté s’être fait piquer des dizaines de fois… alors même qu’elle portait une moustiquaire sur le visage.
Portes closes et manque de transparence

Jeudi dernier, cinq élus démocrates ont voulu visiter le centre pour voir les conditions de vie à l’intérieur. On leur a refusé l’entrée. Un sénateur, élu depuis 13 ans, a expliqué que c’était la première fois que ça lui arrivait. Normalement, la loi en Floride autorise les élus à faire des visites surprises dans ce genre d’endroits. Dans une déclaration commune, les élus ont dénoncé cette situation : « C’est une tentative flagrante de cacher au public des violations des droits de l’homme. » Ce manque de transparence ne fait qu’augmenter les inquiétudes.
Un projet politique... et rentable pour certains

Il faut bien voir que ce camp est aussi un outil politique. Le parti républicain de Floride s’en amuse, allant jusqu’à vendre des produits dérivés pour en faire la promotion. Mais derrière la politique, il y a aussi de l’argent. Le magazine Rolling Stone a révélé que certaines entreprises qui ont obtenu des contrats pour le camp, comme pour les services médicaux, sont dirigées par des personnes qui ont généreusement donné de l’argent au président Trump et au gouverneur de Floride, Ron DeSantis. Difficile de ne pas y voir un conflit d’intérêts.
Construit sur des terres sacrées

Il y a un dernier point, très important, qui est souvent oublié. Le centre est entouré par les terres des peuples autochtones Miccosukee et Seminole. Leurs lieux de cérémonie se trouvent juste à côté. Betty Osceola, membre de la tribu Miccosukee, l’a dit avec beaucoup d’émotion à la télévision : « C’est un endroit où nous venons pour guérir, où nous venons pour prier. » L’installation de ce camp à cet endroit précis est vécue comme une profonde offense.
Conclusion : plus de questions que de certitudes

Au final, cet ‘Alcatraz des alligators’ soulève bien plus de questions qu’il n’apporte de réponses. Au-delà du folklore des reptiles, ce sont des problèmes bien concrets de sécurité face aux ouragans, de santé publique avec les moustiques, et de respect des droits les plus élémentaires qui se posent. Pour les 3 000 personnes détenues dans ces tentes, au milieu des marécages et loin des regards, l’avenir s’annonce bien sombre et incertain.
Selon la source : washingtonpost.com