De l’eau née du feu : comment les bébés planètes pourraient créer des océans à partir de magma
Auteur: Mathieu Gagnon
On s’est toujours demandé d’où venait toute l’eau sur les planètes comme la nôtre. Une vieille énigme. Pendant longtemps, on a pensé qu’elle avait été livrée par des comètes ou des astéroïdes glacés, un peu comme un colis postal cosmique. Mais de nouvelles expériences viennent tout bousculer.
Il semblerait que les planètes rocheuses les plus courantes de notre galaxie pourraient être bien plus humides qu’on ne l’imaginait. Des chercheurs, menés par Francesca Miozzi et Anat Shahar de Carnegie Science, ont montré quelque chose d’assez incroyable : une jeune planète, avec sa surface en fusion et une grosse atmosphère d’hydrogène, peut fabriquer sa propre eau. Oui, directement sur place.
Une idée simple, mais il fallait y penser
Pour tester cette idée, les scientifiques se sont tournés vers des planètes qu’on appelle les “sous-Neptunes”. Ce sont des mondes un peu plus gros que la Terre mais plus petits que Neptune, et il y en a partout dans la galaxie. On pense qu’ils ont un cœur rocheux et une épaisse couverture de gaz, principalement de l’hydrogène. C’était le terrain de jeu parfait.
Le concept est finalement assez simple. Imaginez un océan de magma en fusion et une couverture d’hydrogène par-dessus. Ces deux éléments pourraient collaborer pour créer de l’eau, sans aide extérieure. Une théorie qui flottait depuis des années, mais qui n’avait jamais été prouvée en laboratoire. Jusqu’à maintenant.
Le grand puzzle de l'eau sur Terre
Pour notre bonne vieille Terre, l’histoire de l’eau a toujours été compliquée. Une partie est sans doute arrivée avec des corps glacés, c’est vrai. Une autre partie était peut-être piégée dans les roches dès le début. Mais depuis une dizaine d’années, des modèles informatiques suggéraient une troisième voie : celle de l’eau fabriquée maison.
C’est là qu’intervient le projet AEThER, fondé par Anat Shahar. Un nom un peu compliqué, mais l’idée est de réunir des experts de tous les horizons (astronomes, chimistes, physiciens…) pour répondre à une question qui paraît simple : quelles sont les conditions idéales pour qu’une planète puisse avoir, et surtout garder, de l’eau liquide ?
Recréer une 'bébé planète' en laboratoire
Alors, comment on fait pour vérifier ça ? Eh bien, l’équipe a créé une version miniature d’une jeune planète. Ils ont commencé avec un mélange de silicates riches en fer pour imiter un océan de magma. Ensuite, ils ont exposé ce mélange à de l’hydrogène, comme une atmosphère primitive.
Et puis, ils ont mis le paquet. Ils ont soumis ces échantillons à des pressions folles, environ 600 000 fois la pression à la surface de la Terre, et les ont chauffés à plus de 4 000°C. Des conditions extrêmes, mais qui ressemblent à ce qui se passe au cœur d’une jeune planète encore chaude, protégée par son épaisse atmosphère. C’est un peu comme recréer la naissance d’un monde dans une toute petite machine.
Des résultats qui changent la donne pour la vie
Les résultats ont été spectaculaires. D’abord, le magma a absorbé une quantité énorme d’hydrogène. Ensuite, cet hydrogène a réagi avec les oxydes de fer présents dans la roche en fusion pour… créer de l’eau. Beaucoup d’eau.
Pourquoi c’est si important ? Parce que cela signifie qu’une planète possède une source d’eau interne, directement là où sa croûte et son atmosphère se forment. Cette eau peut ensuite s’échapper vers la surface, se retrouver piégée dans les minéraux ou être libérée plus tard sous forme de vapeur. Bref, la planète n’a plus besoin d’attendre une livraison venue de l’espace ; elle a déjà les ingrédients pour ses futurs océans.
Conclusion : Une nouvelle façon de chercher des mondes habitables
Cette découverte a une implication énorme. Les sous-Neptunes, ces planètes si communes, ont probablement toutes commencé comme ça, avec de l’eau en abondance. Certaines ont peut-être perdu leur atmosphère d’hydrogène avec le temps, pour devenir ce qu’on appelle des “super-Terres” riches en eau.
Ce que cette étude nous montre, c’est que la formation d’une planète et la création d’eau sont des processus intimement liés. Comme le dit Anat Shahar, la présence d’eau liquide est essentielle à la vie telle que nous la connaissons. Ce travail montre que de grandes quantités d’eau sont une conséquence naturelle de la formation des planètes. C’est une avancée majeure. En gros, si vous donnez à une jeune planète une surface en fusion et que vous l’enveloppez d’hydrogène, il y a de fortes chances qu’elle finisse par se créer ses propres mers. Et ça, c’est une pensée plutôt réconfortante dans notre recherche de vie ailleurs.
Selon la source : earth.com