Et si une des clés pour freiner la sclérose en plaques se trouvait cachée au cœur même des hormones féminines ? C’est la piste audacieuse qu’explore une étude américaine, suggérant que deux œstrogènes pourraient non seulement calmer l’inflammation, mais aussi protéger les nerfs. Une lueur d’espoir, surtout pour les formes progressives de la maladie, celles qui, aujourd’hui encore, laissent médecins et patients démunis.
Le mal qui effiloche les nerfs
Pour bien saisir l’enjeu, il faut se rappeler ce qu’est la sclérose en plaques (SEP). C’est une maladie où le système immunitaire, censé nous défendre, se retourne contre son propre corps. Il attaque la myéline, cette gaine qui protège nos fibres nerveuses comme l’isolant d’un fil électrique. Quand elle est abîmée, le courant passe mal. Les conséquences sont multiples et imprévisibles : une fatigue écrasante, des troubles de la marche, de la vision, ou encore des difficultés de concentration.
Le mur des formes progressives
Les traitements actuels parviennent, avec plus ou moins de succès, à calmer les « poussées » inflammatoires. Mais ils ne réparent pas les dégâts. C’est là que le bât blesse, notamment pour les 15 % de patients dont la maladie ne connaît pas de répit. Dans ces formes dites progressives, les symptômes s’aggravent continuellement, sans retour en arrière possible. Une réalité angoissante pour laquelle la médecine n’a, à ce jour, pas de réponse satisfaisante.
Une intuition née de l'observation : la piste de la grossesse
Une question simple mais redoutable taraudait les chercheurs de la Texas A&M University : pourquoi tant de femmes atteintes de SEP voient-elles leurs symptômes s’apaiser comme par magie durant le troisième trimestre de leur grossesse ? Leur intuition : le cocktail hormonal qui submerge le corps à ce moment-là pourrait bien agir comme un bouclier naturel. C’est cette idée qui a servi de point de départ à leurs travaux en laboratoire.
L'épreuve du laboratoire : les œstrogènes à la barre
Pour tester leur hypothèse, ils ont administré de l’estradiol et de l’estriol, deux œstrogènes, à des souris atteintes d’un modèle de SEP déclenché par un virus. Une manière de mimer l’action du virus Epstein-Barr, de plus en plus suspecté d’être un facteur déclenchant chez l’humain. Les résultats ont dépassé leurs attentes. Non seulement les deux hormones ont calmé l’inflammation de la moelle épinière, mais l’estradiol a carrément empêché la destruction de la myéline. « C’est une première dans un modèle de SEP progressive », souligne le neurologue Francisco P. Gomez, auteur principal de l’étude.
Le corps, premier des remparts
Ce n’est pas un hasard. « Pendant la grossesse, ces hormones atteignent des niveaux très élevés, ce qui apaise la réponse immunitaire », explique Candice Brinkmeyer-Langford, une autre spécialiste impliquée. Cette protection ne serait d’ailleurs pas limitée à la grossesse. D’autres observations suggèrent que même les contraceptifs hormonaux semblent réduire la fréquence des rechutes. Un indice de plus que le corps féminin, dans certaines conditions, produit lui-même ses meilleures défenses contre la maladie. La science ne ferait alors que tenter de reproduire un mécanisme naturel.
De nouvelles thérapies à l'horizon ?
Bien sûr, le chemin est encore long avant de transposer ces résultats de la souris à l’humain. Mais si l’essai est concluant, on pourrait imaginer de nouvelles thérapies hormonales spécifiquement conçues pour les formes progressives. Cette piste hormonale n’est pas la seule. Aux Hôpitaux universitaires de Genève, par exemple, une autre équipe a réussi à identifier des cellules immunitaires très spécifiques à neutraliser, ce qui permettrait de cibler l’inflammation sans affaiblir tout le système de défense. Les fronts de la recherche se multiplient.
Un double visage hormonal
La sclérose en plaques reste une maladie à dominante féminine, touchant trois fois plus de femmes que d’hommes, souvent au début de leur vie d’adulte. Le paradoxe soulevé par ces nouvelles recherches est fascinant : les hormones, qui jouent probablement un rôle dans cette vulnérabilité, pourraient aussi détenir la clé de leur propre antidote. Une sorte de double visage qui redessine peu à peu notre compréhension de cette maladie encore bien mystérieuse.
Selon la source : passeportsante.net