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Voici le Nanotyrannus, le petit tyran longtemps confondu avec un T. rex adolescent
Crédit: freepik

Introduction : la fin d’un débat de plusieurs décennies ?

C’est un débat qui agite le monde de la paléontologie depuis des décennies : les petits squelettes de tyrannosaures que l’on retrouve parfois sont-ils simplement des T. rex adolescents, ou appartiennent-ils à une espèce distincte de “tyran nain” ? Une nouvelle étude publiée ce 30 octobre dans la prestigieuse revue Nature vient de jeter un énorme pavé dans la mare. En analysant en détail un squelette complet, des chercheurs affirment avoir enfin la preuve que le Nanotyrannus lancensis était bien une espèce à part entière. Une conclusion qui, si elle est confirmée, pourrait nous forcer à réécrire une partie de ce que nous pensions savoir sur le plus célèbre des dinosaures.

Une énigme vieille de près d’un siècle

L’histoire commence en 1946, avec la découverte d’un crâne de petit tyrannosaure datant d’environ 65,5 millions d’années dans la formation de Hell Creek, au Montana, datant de la toute fin du Crétacé. Immédiatement, le débat a commencé. Pour certains, c’était la preuve d’une nouvelle espèce, qu’ils ont baptisée Nanotyrannus lancensis. Pour d’autres, ce n’était qu’un jeune Tyrannosaurus rex qui n’avait pas encore atteint sa taille adulte. L’enjeu est de taille, car comme l’écrivent les chercheurs, ‘une partie considérable de notre compréhension actuelle du T. rex et de l’écosystème qu’il habitait repose sur l’identification de ces petits tyrannosaures comme des T. rex ‘adolescents’. Si cette hypothèse est incorrecte, une grande partie de ce que nous savons… l’est aussi’.

La nouvelle preuve : le squelette qui change tout

Crâne d’un Nanotyrannus. © Musée des sciences naturelles de Caroline du Nord

La nouvelle étude s’est concentrée sur un squelette bien plus complet, découvert lui aussi dans la formation de Hell Creek en 2006. Après des années d’analyse minutieuse, les chercheurs, menés par Lindsay Zanno et James Napoli, sont arrivés à une conclusion ferme. L’individu, âgé d’environ 20 ans et physiquement mature au moment de sa mort, présentait des caractéristiques ‘biologiquement impossibles’ pour un T. rex. Il avait des membres antérieurs proportionnellement plus grands, plus de dents, moins de vertèbres dans la queue et des schémas nerveux dans le crâne clairement distincts. ‘Pour que le Nanotyrannus soit un T. rex juvénile, il devrait défier tout ce que nous savons sur la croissance des vertébrés’, a déclaré James Napoli. ‘Ce n’est pas seulement improbable, c’est impossible‘.

Nain, c’est relatif : la comparaison des tailles

L’étude a également permis de comparer les modèles de croissance osseuse et les tailles adultes estimées. Le verdict est sans appel. Un Nanotyrannus lancensis adulte aurait pesé au maximum environ 700 kilogrammes. Un poids respectable, mais ridicule comparé à celui d’un T. rex adulte, qui pouvait atteindre entre 6 700 et 8 200 kilogrammes, soit plus de dix fois plus. Les modèles informatiques ont également montré que leurs os ne grandissaient pas de la même manière, confirmant qu’il s’agit de deux trajectoires de vie bien distinctes.

La famille des tyrans s’agrandit : bienvenue à “Jane”

Forts de ces conclusions, les chercheurs ne se sont pas arrêtés là. Ils ont officiellement identifié le crâne de 1946 et le squelette de 2006 comme appartenant à l’espèce Nanotyrannus lancensis. Mais ils ont fait une autre proposition audacieuse : ils ont réexaminé un autre célèbre squelette de petit tyrannosaure, surnommé ‘Jane‘, longtemps présenté comme le meilleur exemple d’un T. rex adolescent. Selon eux, Jane appartiendrait également au genre Nanotyrannus, mais à une nouvelle espèce qu’ils ont baptisée Nanotyrannus lethaeus sp. nov. (le ‘sp. nov.’ signifiant ‘nouvelle espèce’ en latin). La famille des tyrans s’agrandirait donc non pas d’une, mais de deux espèces !

Un monde plus riche et plus dangereux avant l’astéroïde

Cette découverte a des implications majeures sur notre vision de l’écosystème juste avant l’extinction des dinosaures. Si les chercheurs ont raison, cela signifie qu’au moins trois prédateurs géants (le T. rex, le N. lancensis et le N. lethaeus) coexistaient dans la même région au même moment. Une telle diversité au sommet de la chaîne alimentaire suggère que l’écosystème était incroyablement riche et florissant, et non en déclin comme certaines théories le suggéraient. Cela vient renforcer une autre étude récente qui indiquait que les dinosaures d’Amérique du Nord étaient très diversifiés jusqu’à la toute fin.

Le doute qui subsiste : ‘Mais où sont les jeunes T. rex ?’

Le débat est-il clos pour autant ? Pas tout à fait. Steve Brusatte, un paléontologue de renom de l’Université d’Édimbourg qui n’a pas participé à l’étude, a réagi. S’il pense que l’existence du Nanotyrannus est désormais ‘prouvée au-delà de tout doute raisonnable‘, il reste sceptique sur un point. ‘Le plus grand doute qui me taraude’, a-t-il expliqué à Gizmodo, ‘c’est que si tous les petits squelettes de tyrannosaures sont des Nanotyrannus, alors… où sont les T. rex juvéniles ?‘. Son argument est logique : si on a trouvé autant de fossiles de T. rex adultes, il est statistiquement très probable qu’on devrait aussi trouver des fossiles de leurs jeunes. C’est cet argument de probabilité qui a longtemps soutenu la théorie du ‘T. rex adolescent’. Il n’est donc pas encore prêt à accepter que tous les petits spécimens soient des Nanotyrannus.

Conclusion : le roi des dinosaures n’était peut-être pas le seul tyran

Au final, cette nouvelle étude apporte des preuves anatomiques et de croissance extrêmement solides en faveur de l’existence du Nanotyrannus comme une espèce distincte. Même si la question soulevée par Steve Brusatte reste pertinente et que le débat n’est pas totalement enterré, il est désormais beaucoup plus difficile de défendre l’idée que tous ces petits squelettes n’étaient que des adolescents en pleine crise de croissance. Notre vision de la fin du règne des dinosaures vient de devenir bien plus complexe et passionnante. Le roi des dinosaures n’était peut-être pas seul sur son trône, et il devait probablement partager son royaume avec un cousin plus petit, mais tout aussi redoutable.

Selon la source : eurekalert.org

 

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