L’homme des cavernes : comment la plus ancienne momie d’Amérique a réécrit 10 000 ans d’histoire autochtone
Auteur: Simon Kabbaj
Il y a plus de 10 000 ans, un homme fut enseveli dans une grotte du Nevada. Ce corps momifié, aujourd’hui reconnu comme la plus vieille momie jamais découverte, est trois fois plus ancien que celle de Toutankhamon. Son histoire fascinante n’a pas seulement bouleversé le monde scientifique, elle a aussi réécrit le récit historique des peuples autochtones d’Amérique du Nord. Grâce à lui, un long combat culturel et juridique a pris fin, rétablissant la vérité sur les origines des communautés amérindiennes actuelles.
1. Une sépulture vieille de 10 700 ans

En 1940, des archéologues mirent au jour un corps humain momifié dans une caverne connue sous le nom de Spirit Cave, au Nevada. Ce n’est qu’en 1997, grâce à la datation au radiocarbone, que l’on découvrit que cet homme avait été enterré il y a environ 10 700 ans. Cela faisait de lui le plus ancien corps momifié connu à ce jour, bien plus vieux que la momie égyptienne la plus célèbre.
2. Une identité réclamée par les descendants

Pour la tribu Fallon Paiute-Shoshone, il n’a jamais été question d’un simple artefact. Dès que son ancienneté fut révélée, ils réclamèrent la restitution de la momie, qu’ils appelaient “le Conteur”, en vertu de la loi sur la protection et la restitution des sépultures amérindiennes (NAGPRA). Pour eux, cet homme était un ancêtre direct, un lien vivant avec leur passé.
3. Une opposition gouvernementale tenace

Malgré la demande des communautés autochtones, le Bureau of Land Management refusa de restituer les restes. L’argument ? L’idée, encore dominante à l’époque, selon laquelle les Paleoaméricains — les premiers habitants du continent — étaient génétiquement distincts des Amérindiens modernes. Une vision erronée qui a freiné la reconnaissance des peuples autochtones comme véritables héritiers de ce continent.
4. Une victoire après deux décennies de combat

Après vingt ans de lutte juridique et politique, l’analyse génétique réalisée en 2018 changea tout : l’ADN de la momie prouvait un lien génétique direct avec les populations autochtones actuelles, confirmant que les Fallon Paiute-Shoshone descendent bien du Conteur. Cette révélation historique permit la restitution immédiate des restes, dans un geste de reconnaissance tant scientifique qu’humain.
5. Des flèches anciennes pour mieux comprendre le passé

Une étude récente s’appuie désormais sur des centaines de pointes de flèches découvertes dans le bassin de Lahontan, au Nevada, pour suivre l’évolution démographique de ces anciens peuples. Les chercheurs ont identifié des périodes de migration liées à de grands bouleversements climatiques. Par exemple, durant la sèche du Dry Period, les anciens ont grimpé en altitude pour survivre.
6. Une culture qui ne s’est jamais éteinte

Selon les anciens récits anthropologiques, les Lovelock, une culture ancestrale, auraient disparu vers l’an 1250 de notre ère. Mais les dernières découvertes révèlent qu’ils ne se sont pas éteints, mais mélangés aux peuples Numic. Ainsi, les Amérindiens d’aujourd’hui ne sont pas des nouveaux venus, mais les héritiers d’un peuple présent depuis plus de 10 000 ans sur ces terres. Une confirmation que le Conteur vit encore à travers eux.
Conclusion – Un passé redonné à ceux qu’il concerne

L’histoire de l’homme de Spirit Cave est bien plus qu’une prouesse archéologique. C’est une réparation symbolique et scientifique pour les peuples autochtones, trop souvent écartés de leur propre histoire. Grâce à la science, à la persévérance des tribus et à une nouvelle lecture du passé, le Conteur a retrouvé sa voix, et avec lui, un peuple a retrouvé sa mémoire.
Source : cambridge.org