La tragédie du Byford Dolphin : quand une erreur humaine a déclenché l’accident le plus atroce de l’histoire
Auteur: Simon Kabbaj
Dans les profondeurs de l’océan, les plongeurs industriels doivent affronter des pressions écrasantes pour construire et réparer les équipements des plateformes pétrolières. À plus de 50 mètres sous la surface, les risques sont immenses. Pour éviter la terrible maladie de décompression, les plongeurs doivent remonter lentement, palier par palier, ce qui rend chaque mission longue et complexe. Mais dans les années 1950, une idée radicale a changé les règles du jeu : vivre sous pression constante pour accélérer les opérations.
Vivre sous pression : l'invention du "saturation diving"

En 1957, la marine américaine lance le projet Genesis, donnant naissance au saturation diving. Cette technique consiste à maintenir les plongeurs sous haute pression en continu, pour éviter les longues phases de décompression après chaque plongée. Logés dans des chambres pressurisées et transportés sous l’eau grâce à des cloches de plongée, ils vivent pendant des semaines dans un environnement oppressant, respirant un mélange d’hélium et d’oxygène. Ce métier est reconnu comme l’un des plus dangereux et les mieux rémunérés au monde.
Des conditions de vie inhumaines

La vie de ces plongeurs est épuisante et claustrophobique. Le mélange respiré provoque des frissons, et l’exposition prolongée à ces conditions extrêmes engendre de nombreuses complications médicales. Malgré des règles de sécurité très strictes, les risques sont omniprésents. En 2015, aux États-Unis, seulement 336 personnes exerçaient encore ce métier si spécialisé. Une simple erreur peut être fatale, comme en témoigne la tragédie du Byford Dolphin.
Le jour où tout a basculé : l’accident du Byford Dolphin

Le 5 novembre 1983, quatre plongeurs – Edwin Coward, Roy Lucas, Bjørn Bergersen et Truls Hellevik – terminent leur mission sous-marine sur la plateforme pétrolière Byford Dolphin. Ils entament le processus de transfert vers leurs chambres de vie pressurisées, une étape délicate où la moindre erreur peut être fatale.
Dans cette opération, la cloche de plongée doit d’abord être fermée hermétiquement, puis la pression augmentée pour sécuriser la porte. Ensuite, le passage entre la chambre et la cloche doit être isolé, avant de pouvoir dépressuriser le tunnel de connexion.
Mais ce jour-là, William Crammond, un des techniciens responsables de la manœuvre, relâche prématurément le système de fixation reliant la cloche à la chambre avant que l’isolement soit complet.
Le résultat est dramatique : le tunnel reste ouvert entre l’intérieur surpressurisé et l’extérieur à pression normale, provoquant une décompression explosive. L’énorme différence de pression aspire violemment l’air et cause la mort immédiate des quatre plongeurs, dans des conditions d’une violence inouïe.
Des conséquences instantanées et tragiques

L’explosion de la pression cause la mort immédiate et violente des quatre plongeurs. Trois d’entre eux voient leur sang bouillir instantanément sous l’effet du choc. Le quatrième est projeté de manière atroce à travers une ouverture étroite de 60 centimètres, ses organes éjectés jusqu’à 10 mètres plus loin. Les médecins légistes décrivent certains organes comme “dissectés naturellement” tant la violence du phénomène était extrême. C’est l’une des morts les plus horribles jamais documentées.
Une bataille pour la justice

Suite à l’accident, les familles des victimes créent la North Sea Divers Alliance pour obtenir justice. Après 26 ans de lutte acharnée, une enquête révèle que le matériel était défectueux sur la plateforme, ce qui absout finalement l’opérateur humain de toute responsabilité. Les familles finissent par recevoir des compensations financières, mais le drame laisse une marque indélébile sur l’histoire de la plongée industrielle.
Conclusion : un rappel poignant des dangers cachés

Le drame du Byford Dolphin reste un terrible avertissement des risques liés au travail sous pression extrême. Malgré les progrès en matière de sécurité, une simple erreur peut avoir des conséquences irréversibles. Cette tragédie rappelle l’exigence d’une vigilance constante dans les métiers les plus extrêmes du monde.
Source : pubmed