Est-ce vrai ? Une entreprise affirme pouvoir créer du « cuir de T. Rex » à partir d’ADN de dinosaure
Auteur: Simon Kabbaj
En 2023, une campagne de marketing audacieuse présentait un « steak de mammouth » cultivé en laboratoire. Cette initiative visait à sensibiliser aux impacts des changements climatiques. Aujourd’hui, les mêmes acteurs – l’agence VML et deux startups biotechnologiques – vont encore plus loin : ils affirment pouvoir produire du cuir de Tyrannosaurus Rex à partir de restes fossiles. Présentée comme une alternative luxueuse, éthique et durable, cette annonce suscite à la fois curiosité, enthousiasme et scepticisme scientifique. Mais peut-on réellement créer un cuir de T. Rex à partir de son ADN ?
Une collaboration futuriste aux ambitions écologiques

Le projet rassemble trois entités : VML, une agence de marketing américaine, The Organoid Company (Pays-Bas), spécialisée en génie génomique, et Lab-Grown Leather (Royaume-Uni), experte en biomatériaux. Leur but ? Créer un cuir de luxe sans exploitation animale ni déforestation, en utilisant des procédés sans produits chimiques. Ce cuir prétendrait offrir la même durabilité, la même souplesse et le même toucher que les cuirs traditionnels, tout en étant respectueux de la planète. Mais un détail interpelle : ils affirment utiliser de l’ADN de dinosaure…
Une limite biologique incontournable : l’ADN fossile

Scientifiquement, cette prétention pose problème. L’ADN ne survit que quelques centaines de milliers d’années, même dans des conditions de conservation idéales. Le plus ancien ADN jamais récupéré date d’environ 1,6 million d’années et provient d’un mammouth sibérien. Or, le Tyrannosaurus Rex a disparu il y a 66 millions d’années. Il est donc impossible d’obtenir de l’ADN complet de dinosaure, ce qui remet en question la viabilité génétique du projet. Les chercheurs se tournent alors vers une autre piste : le collagène fossile.
Le collagène, nouvelle clé pour un cuir de dinosaure ?

Le collagène, protéine présente dans la peau et les os, est ce qui donne au cuir sa texture si particulière. En 2007, une étude affirmait avoir extrait des fragments de collagène de dinosaure, mais les résultats furent rapidement contestés, certains estimant qu’il s’agissait plutôt de contamination par des restes d’alligator ou d’autruche. Toutefois, quelques études récentes suggèrent que des traces infimes de collagène pourraient exceptionnellement survivre jusqu’à 200 millions d’années, selon l’environnement de fossilisation. Cela reste très rare et hautement spéculatif.
De l’ADN de poule à un cuir de T. Rex ?

Même en cas de présence de collagène utilisable, le chemin reste semé d’embûches. Il faudrait d’abord décoder la séquence d’acides aminés pour ensuite la transformer en code génétique. Ce code serait ensuite comparé à celui de descendants vivants des dinosaures, comme les poules, afin de le reconstituer. Le tout serait ensuite intégré dans des lignées cellulaires de bio-cuir, selon les dires de Thomas Mitchell, directeur de The Organoid Company. Le produit final ne contiendrait donc qu’un infime pourcentage de protéines proches du T. Rex, mais il en porterait l’inspiration symbolique.
Une avancée technologique… ou une opération marketing ?

Bien que le « cuir de T. Rex » ne contienne sans doute pas une seule molécule provenant du dinosaure originel, ce projet pourrait marquer une étape importante dans la fabrication de matériaux durables inspirés du vivant. À défaut d’être véritablement issu de l’animal préhistorique, ce cuir soulève des questions fascinantes sur les limites de la science, le rôle du marketing dans les innovations, et les matériaux du futur. Reste à savoir si cette création trouvera sa place sur le marché ou si elle restera un coup médiatique spectaculaire.
Conclusion – Une promesse entre mythe et biotechnologie

Le cuir de T. Rex, tel qu’il est présenté, n’est pas une réalité scientifique, mais plutôt une extrapolation audacieuse. En l’absence d’ADN ou de collagène viable, cette création semble davantage un hommage symbolique qu’un exploit biologique réel. Pourtant, ce projet souligne les immenses possibilités offertes par la biotechnologie, même quand elles flirtent avec la science-fiction. Alors, ce cuir d’un autre temps sera-t-il un jour dans nos boutiques ? Pour le moment, la prudence est de mise… mais « never say never », comme dirait un certain ancien président américain.
Source : nbcnews