Le plus grand scandale chimique de l’histoire a été gardé secret pendant des années
Auteur: Simon Kabbaj
Jusqu’à 99 % des humains ont des substances chimiques toxiques appelées PFAS dans leur corps, sans le savoir. Présentes dans des objets du quotidien, ces molécules persistent dans l’environnement et dans les tissus vivants. Ce qui rend l’histoire encore plus choquante, c’est que les entreprises qui les ont créées connaissaient les dangers depuis des décennies… et ont choisi de les cacher au public. Voici un retour glaçant sur ce qui est considéré comme le plus grand camouflage chimique de l’histoire moderne.
Les PFAS : des produits pratiques… mais toxiques

Les PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées) sont des composés synthétiques utilisés pour rendre les objets hydrofuges, résistants aux taches et à la chaleur. On les trouve dans les poêles antiadhésives, les emballages de fast-food, les vêtements imperméables, les mousses utilisées par les pompiers, ou encore dans certaines pièces d’avion. Leur structure chimique est conçue pour résister à la dégradation, ce qui les rend quasi éternels. Le problème, c’est que ces substances s’accumulent dans l’eau, le sol, la faune… et nos organismes.
Un danger connu depuis plus de 60 ans

En 2023, des chercheurs de l’Université de Californie à San Francisco et du Colorado ont analysé des milliers de documents internes de 3M et DuPont – les plus grands producteurs de PFAS. Ces documents, couvrant la période de 1961 à 2006, révèlent que les entreprises avaient conscience des risques dès le début. Mais comme l’industrie du tabac avant elles, elles ont caché ces données, n’ont pas informé les autorités, et ont menti au public.
Des études internes accablantes

Un rapport de 1970, commandé par le laboratoire Haskell financé par DuPont, indiquait que le C8 – un des PFAS – était « hautement toxique par inhalation » et « modérément toxique par ingestion ». En 1979, une autre étude confirmait que des chiens exposés à une dose unique de PFOA (un autre PFAS) mouraient en deux jours. En 1980, DuPont et 3M ont constaté que deux femmes enceintes travaillant avec ces produits avaient donné naissance à des bébés malformés. Et pourtant, aucune information n’a été partagée avec le public ni même avec les autres employés.
Un discours public trompeur et mensonger

Malgré les preuves internes, DuPont continuait à affirmer que le C8 était aussi inoffensif que du sel de table. En 1991, ils publient même un communiqué de presse affirmant que le C-8 « n’a aucun effet toxique connu chez l’humain aux concentrations détectées. » Une déclaration volontairement fausse, car les risques étaient largement connus en interne depuis des décennies. Le C-8, aussi appelé PFOA, est un composant clé du Teflon, utilisé notamment dans les poêles antiadhésives, ce qui l’a rendu omniprésent dans les cuisines du monde entier.
L’amende historique… mais insignifiante

En 2004, après la plainte retentissante menée par l’avocat Robert Bilott (rendu célèbre par le film Dark Waters), DuPont fut condamné à payer 16,45 millions de dollars d’amende par l’EPA, un montant record à l’époque. Mais cela représentait à peine 1,6 % des revenus annuels générés par les ventes de PFOA et de C8, estimées à 1 milliard de dollars en 2005. En clair, le crime a rapporté bien plus qu’il n’a coûté.
Une prise de conscience tardive mais essentielle

Aujourd’hui, grâce à ces révélations, de nombreux pays tentent de limiter la production et l’usage des PFAS. Pour la professeure Tracey Woodruff, co-autrice de l’étude, cette affaire est une démonstration flagrante de l’échec du système américain de régulation des substances toxiques. Le scandale des PFAS est devenu un symbole mondial de la nécessité d’une réglementation plus stricte et de la transparence dans l’industrie chimique.
Conclusion – Un scandale gravé dans nos corps

Le scandale des PFAS est loin d’être une histoire du passé. Les substances sont toujours présentes dans notre environnement, dans notre eau et dans nos corps. Et pendant des décennies, les entreprises responsables ont choisi de mentir pour protéger leurs profits. Ce cas nous rappelle que la vigilance scientifique et citoyenne est essentielle pour protéger notre santé face aux intérêts industriels. Car parfois, le poison le plus dangereux est celui qu’on ne voit pas.
Source : ucsf.edu