Des squelettes vieux de 6 000 ans jamais vu ailleurs dans le monde révélés en Colombie
Auteur: Simon Kabbaj
Une nouvelle étude publiée dans Science Advances a permis de découvrir une ancienne lignée génétique humaine totalement inconnue, retrouvée dans les restes de chasseurs-cueilleurs vivant près de Bogotá, en Colombie. Grâce à l’analyse d’ADN vieux de plusieurs millénaires, les chercheurs ont identifié des génomes sans équivalent connu dans les populations autochtones modernes. Ces individus auraient vécu dans les hauts plateaux du pays pendant environ 4 000 ans avant de disparaître mystérieusement, sans laisser de descendants.
Des origines encore débattues

On pense que les premiers humains en Amérique sont arrivés depuis l’Asie en traversant le pont terrestre de Béring durant la dernière période glaciaire. Des traces retrouvées au parc national de White Sands, au Nouveau-Mexique, suggèrent une présence humaine il y a au moins 23 000 ans. Toutefois, l’arrivée en Amérique du Sud reste un sujet de débat parmi les chercheurs. Des preuves archéologiques du site de Monte Verde II, au Chili, indiquent que des humains y vivaient il y a 14 550 ans, ce qui repousse encore plus loin les limites de ce que l’on croyait savoir sur la colonisation du continent sud-américain.
Une présence humaine unique et ancienne

Les chercheurs ont séquencé 21 génomes humains anciens, prélevés sur des os et des dents issus de cinq sites archéologiques de l’Altiplano colombien. Ces sites couvrent une période de 5 500 ans, dont sept génomes remontant à 6 000 ans à Checua, et d’autres datant de 2 000 à 500 ans, notamment des périodes Herrera, Muisca et Guane. Les squelettes de Checua appartenaient à une petite population de chasseurs-cueilleurs au patrimoine génétique sans lien avec les groupes indigènes d’Amérique du Nord ou du Sud, passés ou présents.
Une disparition sans explication génétique

Vers 2 000 ans avant notre époque, les chercheurs constatent une rupture totale de l’héritage génétique des Checua. Aucun des groupes humains qui leur ont succédé ne porte leurs gènes, indiquant un remplacement complet de la population dans la région de Bogotá. Selon Kim-Louise Krettek, co-autrice de l’étude, cela montre que cette population initiale, pourtant présente depuis longtemps, a été entièrement effacée de la généalogie actuelle.
Un lien avec des migrations et des langues nouvelles

Cette disparition coïncide avec d’importants changements culturels, comme l’introduction de la céramique vers le début de la période Herrera. Les chercheurs estiment que ces innovations ont été apportées par des groupes migrants venus d’Amérique centrale, qui ont également introduit les langues chibchanes. Ces langues, toujours parlées aujourd’hui en Amérique centrale, auraient été implantées dans la région colombienne par ces nouveaux arrivants, selon la généticienne Andrea Casas-Vargas.
Des mélanges génétiques complexes

Les génomes plus récents de l’Altiplano présentent une ressemblance frappante avec ceux d’anciens individus panaméens, bien plus qu’avec ceux des autochtones colombiens actuels. Des traces d’ascendance liée aux langues chibchanes ont aussi été identifiées au Venezuela, suggérant plusieurs vagues de migration vers l’Amérique du Sud, accompagnées de mélanges génétiques progressifs. Cela complique la tâche des chercheurs pour déterminer l’origine précise de chaque lignée.
Une recherche encore incomplète

Cette étude représente une étape majeure dans la compréhension des migrations humaines sur le continent, puisqu’elle comprend les premiers génomes anciens publiés de Colombie, selon le professeur Cosimo Posth. Les auteurs recommandent désormais d’élargir les analyses génétiques à d’autres régions voisines, comme l’ouest de la Colombie, afin de mieux comprendre le moment exact de l’arrivée des populations d’Amérique centrale et leur impact réel sur les populations locales.
Conclusion : une histoire humaine en pleine réécriture

Cette découverte ouvre un nouveau chapitre dans l’histoire du peuplement sud-américain. Elle montre que des groupes humains entiers ont pu disparaître sans laisser de traces génétiques, tout en influençant la culture locale. En révélant une lignée jusqu’alors inconnue, cette recherche remet en question nos certitudes sur les origines des peuples d’Amérique du Sud. Elle souligne aussi combien il reste encore à découvrir dans le passé de l’humanité.
Source : science.org