Les femmes étaient de meilleures chasseuses que les hommes, selon une étude récente
Auteur: Simon Kabbaj
Pendant des siècles, l’idée selon laquelle les hommes étaient les chasseurs et les femmes les cueilleuses a dominé les récits historiques, les manuels scolaires et les musées. Cette vision, profondément enracinée, vient pourtant d’être remise en cause de manière spectaculaire par une nouvelle recherche. Selon des travaux récents, les femmes préhistoriques n’étaient pas seulement capables de chasser, elles étaient souvent mieux adaptées que les hommes à cette tâche exigeante. Un retour sur des découvertes qui changent notre compréhension du passé.
Une image fausse qui persiste

L’image de l’homme musclé, peau de bête sur les épaules et lance à la main, est gravée dans notre imaginaire collectif. À ses côtés, la femme passive, souvent occupée à cueillir ou à s’occuper des enfants, est devenue un cliché durable. Comme le souligne l’anthropologue Cara Ocobock, cette représentation a été reproduite pendant des générations, y compris dans les expositions des musées de sciences naturelles, renforçant un stéréotype erroné. Pourtant, la réalité historique est bien différente, comme le démontrent les dernières recherches.
Une étude qui bouleverse les idées reçues

Cara Ocobock, professeure à l’Université de Notre-Dame aux états-unis, et Sarah Lacy, experte en archéologie biologique à l’Université du Delaware, ont publié deux études qui renversent les clichés. En combinant données archéologiques et physiologiques, elles montrent que les femmes préhistoriques non seulement chassaient, mais étaient même biologiquement mieux équipées pour le faire. Leur objectif n’est pas de réécrire l’histoire, mais bien de corriger une histoire qui a volontairement effacé les femmes de leurs rôles actifs.
Une supériorité physiologique inattendue

Contrairement à ce que l’on pense souvent, le corps féminin présente plusieurs avantages pour les activités d’endurance, essentielles pour la chasse primitive. Deux hormones — l’œstrogène et l’adiponectine — aident les femmes à brûler les graisses lentement, fournissant une énergie constante sur le long terme. Cela permettait de poursuivre un animal jusqu’à l’épuisement, avant de porter le coup final. De plus, l’anatomie féminine, avec des hanches plus larges, permettait des foulées plus longues et plus efficaces.
Des preuves visibles dans les ossements

Les archives fossiles renforcent cette thèse : hommes et femmes préhistoriques présentaient les mêmes types de blessures liées à la chasse. Ces blessures, similaires à celles que subissent aujourd’hui les clowns de rodéo — contusions, fractures, marques de morsures — indiquent une participation équivalente aux combats rapprochés avec de grands animaux. Les fossiles prouvent donc que la chasse n’était pas un domaine réservé aux hommes, bien au contraire.
Des femmes honorées comme chasseuses

Au-delà des blessures, des femmes ont été retrouvées enterrées avec des armes de chasse, notamment au Pérou, ce qui montre que leur rôle était valorisé socialement. Comme l’explique Ocobock, on ne se fait pas enterrer avec quelque chose à moins que cela ait été essentiel dans la vie. Rien n’indique non plus qu’elles aient cessé de chasser pendant la grossesse ou l’allaitement. Les données archéologiques montrent l’absence d’une division stricte du travail entre les sexes, contrairement à ce que l’on imagine aujourd’hui.
Une correction nécessaire dans le climat actuel

Dans un contexte où les débats sur le genre et les capacités physiques font rage, les travaux d’Ocobock et Lacy sont essentiels. Ils rappellent que les jugements fondés sur le sexe sont souvent biaisés, et que les femmes ont été, historiquement, sous-estimées dans leurs capacités physiques et intellectuelles. « Il faut changer les idées reçues sur l’infériorité physique des femmes », conclut Ocobock. Car les capacités ne dépendent pas du sexe, mais de l’individu.
Conclusion — Réhabiliter les vraies héroïnes de la préhistoire

Ce que nous pensions savoir sur les rôles dans la préhistoire est en train de s’effondrer. Grâce à une analyse rigoureuse et multidisciplinaire, la chasse apparaît aujourd’hui comme une activité partagée — voire dominée — par les femmes. Il est temps de corriger l’histoire, et de reconnaître la place que les femmes ont toujours eue, mais qu’on leur a longtemps refusée. Car le passé n’a jamais été aussi éclairant que lorsqu’il est vu sans les lunettes du préjugé.
Source étude : American Anthropologist