Une civilisation perdue sous l’eau : un crâne d’Homo erectus vieux de 140 000 ans détient un secret sur l’évolution
Auteur: Simon Kabbaj
Sous les eaux du détroit de Madura, entre Java et Madura en Indonésie, des archéologues ont mis au jour plus de 6 000 ossements, dont deux fragments de crâne appartenant à l’espèce humaine disparue Homo erectus. Cette trouvaille spectaculaire, réalisée lors d’un dragage de sable, éclaire une époque lointaine où des terres aujourd’hui englouties, connues sous le nom de Sundaland, étaient peuplées d’êtres humains et d’une faune abondante. Ces os fossilisés bouleversent ce que l’on croyait savoir sur les premiers humains.
Une terre engloutie révélée par le dragage

Le Sundaland, aujourd’hui submergé, était autrefois une vaste plaine reliant l’Asie à l’Indonésie. Durant les périodes glaciaires, lorsque le niveau des océans baissait de plus de 100 mètres, cette région formait un territoire continu où humains et animaux circulaient librement. C’est dans cette ancienne vallée du fleuve Solo que les chercheurs ont extrait des ossements conservés dans le sable, témoignage d’une vie florissante il y a 140 000 ans.
Homo erectus : un humain plus connecté qu’on ne le pensait

Pendant longtemps, les scientifiques pensaient que Homo erectus vivait seul sur l’île de Java, sans contact avec les autres populations humaines des îles voisines. On croyait que les mers profondes empêchaient tout déplacement. Mais la nouvelle découverte remet cette idée en question. À l’époque, le niveau de la mer était bien plus bas, et certaines zones aujourd’hui sous l’eau formaient alors des ponts de terre reliant les îles entre elles. Cela signifie que les humains pouvaient marcher d’un endroit à l’autre, sans avoir besoin de bateaux. Les fragments de crâne retrouvés dans cette ancienne vallée montrent qu’il y avait des échanges entre ces régions, et que Homo erectus n’était pas aussi isolé qu’on le croyait.
Des pratiques de chasse révélées par les ossements

Les os d’animaux découverts, notamment des bovidés et des tortues d’eau douce, portent des marques de découpe nettes, prouvant que Homo erectus ne se contentait pas de charognes. Il chassait activement et consommait la moelle osseuse, un comportement avancé qu’on pensait réservé à des espèces humaines plus récentes. Cela suggère un possible transfert de savoirs ou d’habitudes entre différentes espèces humaines.
Une cohabitation entre espèces humaines

À cette époque, Homo erectus partageait la région avec d’autres espèces humaines, comme les Denisoviens ou les hobbits de Florès. Certains scientifiques pensent qu’il aurait pu y avoir des échanges, voire des croisements génétiques entre ces groupes.
Harry Berghuis, doctorant à l’Université de Leyde, note que les traces de chasse et de consommation de moelle observées ici n’étaient pas présentes chez les anciens Homo erectus de Java. Ce comportement, plus moderne, pourrait avoir été copié sur d’autres espèces humaines, ce qui suggère un contact direct entre eux.
Un site d'une richesse inégalée

Avec plus de 36 espèces animales fossilisées et des fragments humains rares, le site du Sundaland devient l’un des plus importants au monde pour comprendre Homo erectus. Les scientifiques y retrouvent jusqu’à 11 crânes partiels, dont l’un des plus jeunes jamais découverts pour cette espèce. Ces vestiges sont aujourd’hui exposés au Musée géologique de Bandung.
Sundaland : une savane oubliée sous les flots

À l’époque de Homo erectus, Sundaland ressemblait à la savane africaine, avec ses grands herbivores et ses vastes étendues fertiles. C’était un écosystème riche, idéal pour la survie humaine, et qui abritait une biodiversité désormais perdue. Redécouvrir ce monde oublié, c’est remonter le fil de notre propre histoire.
Conclusion – Une Atlantide humaine bien réelle

Cette découverte extraordinaire nous rappelle que l’histoire de l’humanité ne se limite pas à ce qui est visible à la surface. Des continents entiers comme Sundaland, aujourd’hui engloutis, ont abrité des chapitres fascinants de notre évolution. Grâce à ces crânes de 140 000 ans, nous comprenons mieux les capacités, les déplacements et les interactions des premiers humains. Une véritable Atlantide asiatique refait surface… et avec elle, un pan oublié de nos origines.
Source : sciencedirect
Image à titre d’illustration uniquement, créée par IA