
Aux États-Unis, chaque président décédé a droit à un hommage bien précis : son cercueil est recouvert du drapeau étoilé. Un symbole fort. Une manière de remercier le chef de l’État pour ses services rendus à la nation. Sur les 39 présidents décédés, tous ont bénéficié de cet honneur… sauf un. Un cas unique. Et pas un oubli. Non. C’était délibéré. Et pour comprendre pourquoi, il faut remonter loin dans le temps, dans une Amérique qui commençait à se déchirer.
Un enfant de la Virginie esclavagiste

Le président en question est né en 1790, dans une famille fortunée, dans l’État de Virginie. Une famille de propriétaires d’esclaves. Très vite, l’homme se lance en politique. Il débute chez les Démocrates, mais finit par rejoindre un parti oublié aujourd’hui : le Parti Whig, puissant au XIXe siècle. Ce qui l’amène à la vice-présidence. Mais 31 jours après l’investiture du président en titre, ce dernier meurt. Et c’est lui qui prend sa place. Du jour au lendemain.
Défenseur des États… et de l’esclavage

Durant son mandat (entre 1841 et 1845), il s’oppose fermement à un gouvernement fédéral fort. Il préfère que les États aient plus de liberté. Et cela inclut, sans surprise, le droit de garder l’esclavage. Il pousse aussi pour l’annexion du Texas – une décision qui, à l’époque, met de l’huile sur le feu entre le Nord et le Sud. Ces tensions, on le sait maintenant, préfigurent la guerre civile qui éclatera quelques années plus tard.
De président à traître : le tournant confédéré

Quand la guerre civile commence en 1861, il ne choisit pas la neutralité. Il soutient ouvertement les États confédérés, ceux du Sud. Pire : il encourage sa propre région, la Virginie, à faire sécession. Il est même élu au Congrès confédéré, mais la mort le frappe avant qu’il ne puisse y siéger. Décédé en janvier 1862, en pleine guerre, il est perçu par le Nord comme un traître. Et Washington refuse catégoriquement de le reconnaître officiellement comme un président défunt.
Une cérémonie funéraire controversée

Avant d’être inhumé, son corps est exposé à Richmond, capitale des États confédérés, dans le Hall du Congrès sudiste. Et là, un détail frappe : son cercueil est recouvert non pas du drapeau américain, mais du drapeau confédéré. Un geste lourd de sens. Il avait demandé un enterrement simple. Mais les dirigeants du Sud ont sauté sur l’occasion pour le transformer en symbole de leur cause. Aujourd’hui encore, sa tombe se trouve au cimetière Hollywood de Richmond, près de celle d’un autre président, James Monroe. Une grande stèle y porte son nom, son titre, et les dates de son mandat. Mais rien sur son engagement pour la Confédération.
Un héritage trouble et un précédent durable

L’homme en question reste une figure très controversée de l’histoire américaine. Souvent classé parmi les pires présidents par les historiens, il n’a pas laissé une image positive. Pourtant, un fait marquant lui est attribué : le “précédent Tyler”. En 1841, quand il devient président après la mort de son prédécesseur, rien dans la Constitution ne précisait clairement s’il devait être président à part entière ou juste intérimaire. Il a insisté, s’est battu pour être reconnu comme le vrai chef de l’État, et a obtenu gain de cause. Depuis, cette règle est suivie à la lettre. Ce président, c’est John Tyler.
Conclusion

Ce qui frappe avec cette histoire, ce n’est pas seulement qu’un président américain ait été enterré sans le drapeau de son pays — c’est tout ce que ce geste dit, en creux, sur les fractures profondes de l’époque. On parle d’un homme qui a dirigé une nation, puis choisi d’en soutenir une autre, en guerre contre la première. Un président devenu symbole de division, jusqu’au bout, jusqu’à sa tombe.
Et pourtant… malgré ce rejet posthume, malgré cette exclusion officielle, il a laissé une trace dans les rouages du pouvoir. Pas une trace glorieuse, non, mais une décision technique, presque administrative, qui continue aujourd’hui encore de façonner la présidence américaine.
Comme quoi, parfois, on peut être oublié des hommages… et pourtant rester inscrit dans l’Histoire.
Selon la source : politico.com